Blogue — La Cocotte enchantée
Peut-on choisir sans renoncer ?

La Cocotte enchantée, en ligne du 8 février 2014 au 15 février 2016, est un blog de fiction où Cy Jung prête sa plume à une lesbienne parisienne de 50 ans qui pourrait être son alter ego si tant est qu’elle ne soit pas réac et catho. Une gageure… et des commentaires qui vont avec. En ligne ici.
Chaque semaine, Cy Jung a rassemblé ses billets dans une chronique dominicale, commentaires impertinents sur les Évangiles et la culture dominante en prime. Ces chroniques sont rassemblées ci-dessous.
[La Cocotte enchantée] 32e dimanche du temps ordinaire
Chronique du 8 novembre 2015.
On venait de lire le Premier livre des rois où Élie, plus sympa que Manuel, assure subsistance à cette veuve qui lui a façonné une petite galette,
« Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël :
« Jarre de farine point ne s’épuisera,
« vase d’huile point ne se videra,
« jusqu’au jour où le Seigneur
« donnera la pluie pour arroser la terre. » (1 R 17, 10-16)
On en venait au psaume « Chante, ô mon âme, la boulange (sic) du Seigneur ! » (Ps 145, 1) qui nous dit tout ce que le Seigneur sait et peut faire de bon pour nous, pauvres humains miséreux que nous serions,… tellement que l’on n’en fait pas le détail. Et puis, la synchronicité (pardon, la Grâce !) a fait entendre sa voix en celle de Zaz, chanteuse gauchiste, dirait notre Cocotte enchantée ; chanteuse qui s’engage, à l’instar de Dieu, auprès de la veuve et de l’handicapé.
Écoutons cette voix venue des Cieux.
« Si j’étais l’amie du bon Dieu.
« Si je connaissais les prières. »
C’est cela qui a arrêté nos doigts sur le clavier. Puis…
« J’allumerais des flammes,
« Dans les rêves éteints des enfants.
« Je mettrais des couleurs aux peines.
« J’inventerais des Édens. »
N’est-il pas remarquable que le plus modeste des mécréants gauchistes rêve, à l’instar de Dieu lui-même, de relancer la machine à rêve, la machine à bien-être, lançant ses bulldozers à l’assaut du mal-être vers l’érection (chic !) d’un nouvel Éden ? Cela signifierait-il que l’on peut se passer de Dieu et rêver pour nous-mêmes, agir pour nous-mêmes, lever la tête et le poing, ouvrir nos cœurs à l’amour-Lacan et nous unir pour construire, enfin, cet Éden qui fait tant défaut ?
« Mais si nos mains nues se rassemblent,
« Nos millions de cœurs ensembles.
« Si nos voix s’unissaient,
« Quels hivers y résisteraient ?
« Un monde fort, une terre âme sœur,
« Nous bâtirons dans ces cendres
« Peu à peu, miette à miette,
« goutte à goutte et cœur à cœur. » [Zaz, Si (2013)]
Quel bel Évangile selon sainte Zaz ! Il n’a rien à envier à l’Évangile selon saint Jo qui n’a pas son pareil pour tourner la Broche de la Cocotte et faire griller des spectres au Barbecue pendant que la Cocotte, en plein boudin dans l’Autocuiseur (boudin vapeur ?), sort Jésus du Four avant qu’il ne sombre avec le reste au tréfond du Chaudron ? On va finir par s’y perdre dans toutes ces sources d’inspiration !
Tant que l’amour règne « goutte à goutte et cœur à cœur »…
À plus !
[La Cocotte enchantée] 31e dimanche du temps ordinaire, tous les saints
Chronique du 1er novembre 2015.
En ce dimanche de Toussaint, que font les Parisiens ? Ils vont au cimetière, bien sûr, porter leurs chrysanthèmes, impies qu’ils sont à confondre la fête de tous les saints avec la fête des Morts, le lendemain. Ils seront d’ailleurs si nombreux (deux cent dix mille, dit-on) que la Ville est mobilisée. « Les agents de surveillance, présents aux entrées et dans les sites, renseignent, guident, accompagnent, aident et rassurent. » « Et rassurent »… Ils font bien car on lit l’Apocalypse de saint Jean dans les églises ce matin.
« (…) et voici une foule immense,
« que nul ne pouvait dénombrer,
« une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues.
« Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau,
« vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. » (Ap 7, 2-4.9-14)
Il y a de quoi avoir peur, en effet, ce d’autant que nos cimetières ne sont pas équipés pour la natation. Il va donc falloir que ces agents expliquent à toutes ces personnes qu’elles doivent laisser leur attirail de plongée sous-marine à l’entrée et se contenter de quelques fleurs pour honorer leurs morts. On les plaint. Peut-être ne faut-il pas ? On raconte aussi que cette foule serait vêtue de robe blanche. Des mariées ? Avec des palmes ? Les Saints ont décidément de la ressource pour égayer cette journée avant que chacun ne s’effondre dans le chagrin, le lendemain.
Mais pourquoi voudrait-on que la mort fût si triste ? Mettons nos robes blanches ! Offrons nos palmes aux agents de surveillance de la Ville (si vous n’avez pas de palmes, une paire d’écumoires peut faire l’affaire) !
« Réjouiss[ons]-[nous], soy[ons] dans l’allégresse,
« car [notre] récompense est grande dans les cieux ! » (Mt 5, 1-12a)
C’est la Toussaint tout de même. On rigole et on fait la nique à la mort pendant que la Cocotte, elle, (fait la) nique (à) Rosalie après une semaine trop loin d’elle (physiquement s’entend) à remuer l’infusion dans la Tisanière, seule face à sa Bouilloire, le cœur sur le Barbecue et des retrouvailles (enfin !) sous le feu vif du Wok. Que d’émotions, en somme, des émotions qui mènent au bonheur, les autres, on les laisse au fond de la tombe avec l’œil, celui qui regarde Caïn.
N’est-ce pas un coup à les voir revenir dans un méchant effet de boomerang ? Nous ne craignons rien, car même si Dieu faisait défaut, les agents de surveillance de la Ville veillent. On peut niquer la mort tranquille. Ce sont les meilleurs.
N’est-il point ?
À plus !
[La Cocotte enchantée] 30e dimanche du temps ordinaire
Chronique du 25 octobre 2015.
On adore les histoires d’aveugle dans la Bible ! On les adore, ou presque…
« « Prenant la parole, Jésus lui dit :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
« L’aveugle lui dit :
« Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
« Et Jésus lui dit :
« Va, ta foi t’a sauvé. »
« Aussitôt l’homme retrouva la vue, »
« et il suivait Jésus sur le chemin. » (Mc 10, 46b-52)
N’est-ce pas magnifique, pour un aveugle, de retrouver la vue ? Cela suppose d’abord qu’il l’ait perdue, ce qui est loin d’être le lot de tous les aveugles bien que la Bible nous suggère que nous serions « frappés de cécité » (pan !) à l’instar de Paul sur le chemin de Damas. Un éclair. Jésus est là. Saul (futur Paul) doit expier.
« Comme il était en route et approchait de Damas, soudain une lumière venant du ciel l’enveloppa de sa clarté.
« Il fut précipité à terre ; (…)
« Saul se releva de terre, et, quoique ses yeux fussent ouverts, il ne voyait rien ; on le prit par la main, et on le conduisit à Damas. » (Ac 9.3-8)
C’est plié. L’aveugle ne voit rien, il se laisse guider et retrouvera la vue quand il sera gentil avec Dieu. Mes fesses !
— Pardon ?
Oui, Caddie, mes fesses ! Tu n’imagines pas ce que c’est que de porter la peur collective de commettre cette erreur qui fera perdre la vue, tu sais, cette plainte « Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? »
Et puis, sous-jacente, l’idée que voir avec la foi (le cœur) serait plus fort que voir avec les yeux, comme si l’aveuglement était forcément du côté du mécréant ! Quand on regarde tous ces religieux agir, tuer, réprimer, violer, torturer au nom de la lumière… Oui, finalement, la photophobie a du bon.
— De quoi te plains-tu, alors ?
De rien, caddie. Tu as raison. C’est juste très agaçant de se cogner deux millénaires de sclérose judéo-chrétienne tous les matins au petit déjeuner.
— Va ! Ta révolte t’a sauvée !
Tu fais un sacré messie, Caddie ! Il ne faudrait pas que l’on en oublie notre Cocotte enchantée qui, elle, dispose et de la foi et de la vue, une gourmandise ! Entre Jo qui joue de la Plaque pour marquer un essai, le Barbecue où les faits ne sont pas si divers et la Terrine qui recèle toujours plus d’abomination, il ne lui reste que la Gamelle de son amie albinos pour se consoler de la vie.
— Ce n’est pas très charitable.
C’est une métaphore Caddie, une parabole.
— Comme pour les aveugles ?
Pire !
— Impossible.
À plus !
[La Cocotte enchantée] 29e dimanche du temps ordinaire
Chronique du 18 octobre 2015.
Nous sommes plus loin de Pentecôte que de Noël mais nous allons pourtant nous intéresser à cette Messe du couronnement que Mozart a écrit en l’honneur de la fête du Couronnement de la Vierge miraculeuse du sanctuaire baroque de Maria Plain en Autriche. Cela change des Écritures et puis, avec le froid qu’il fait, chanter réchauffe.
Qu’en dire ?
Que cette messe-là ne vaut pas tripette ?
Ce ne serait pas gentil pour Mozart qui pleurait alors sa mère et a mis son chagrin dans sa musique. Cela se sent. C’est un peu pompeux et cela manque de subtilité, voire de joie. Et puis, il était bien jeune encore. On lui pardonne. Forcément. C’est Mozart, tout de même. Et puis la Cocotte enchantée était en si bonne compagnie pour écouter ce chant qu’il résonne encore en son Wok.
« Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus, Deus Sábaoth !
« Pleni sunt caeli et terra glória tua.
« Hosánna in excélsis !
« Benedictus qui venit in nómine Dómini.
« Hosánna in excélsis ! »
Les paroles sont si jolies en latin. Mieux vaut ne pas traduire, on en reviendrait à évoquer l’existence de Dieu et à poser la question de la foi. On l’économise, toujours, la foi, pour accéder directement à la joie ce qui est sans doute un peu présomptueux. Face à Dieu, ne faut-il pas l’être pour exister ? On relève la tête. On ouvre les épaules. On respire avec le ventre. On laisse Mozart nous enchanter, avec cette messe ou autre chose ?
« Welche Freude ist wohl größer,
« Freund Tamino hört uns schon,
« hieher kam der Flötenton.
« Welch ein Glück, wenn ich ihn finde,
« nur geschwinde, nur geschwinde ! »*
Oh ! Oui. Jo ! Chante la partition de la Flûte enchantée ! Emporte-nous dans ce royaume où la musique porte à l’amour au seul son de ce que chacun donne ! Sortons notre Cocotte tout aussi enchantée de ce Couscoussier et de ce Chaudron où la course à l’échalote casse l’ambiance, et même de la Tisanière où le fumet de l’amour cache mal les vicissitudes de ce monde en crise permanente.
Chantons ! Donnons de la voix ! Dans quelques semaines, on vote. Au vu de l’ambiance générale, on a intérêt à s’entraîner ; sinon, on risque de malencontreusement se taire ce jour-là. Non ! Chantons ! Il fait si froid.
À plus !
* « Y a-t-il une joie plus grande ? Notre ami Tamino nous entend ; le son de sa flûte est parvenu jusqu’à nous. Quel bonheur de le retrouver, mais que ce soit bientôt, que ce soit bientôt. »
[La Cocotte enchantée] 28e dimanche du temps ordinaire
Chronique du 11 octobre 2015.
Ce n’est pas encore Noël ? Cela traîne, pourtant, ces semaines du temps ordinaire alors que dans les supermarchés, on a pu voir des calendriers de l’Avent, des bonbons au chocolat et des gâteaux venus d’Outre-Rhin. Eh bien ! non ; Noël est encore loin. La Toussaint n’a pas même eu lieu. Que devons-nous alors penser de ces denrées en libre-service qui ont plus de deux mois d’avance sur le calendrier ?
Que justement, elles sont en libre-service !
C’est-à-dire ?
Que Dieu et la vie éternelle se méritent un peu plus qu’une boîte où les chocolats brillent comme des pépites d’or puisque justement, il s’agit en ce dimanche de renoncer aux richesses ainsi que Jésus le dit à cet homme venu à lui les mains chargées de « grands biens ».
« Une seule chose te manque :
« va, vends ce que tu as
« et donne-le aux pauvres ;
« alors tu auras un trésor au ciel.
« Puis viens, suis-moi. » (Mc 10, 17-30)
Ce culte de la pauvreté, à force, peut lasser, surtout chez ceux qui n’ont rien. Car les riches que Jésus vise, eux, ils s’en moquent un peu de la vie éternelle tant la vie ici-bas leur est douce et prospère. Et puis, s’ils donnent leurs richesses aux pauvres, les pauvres vont devenir riches et devoir donner à leur tour…
C’est bien compliqué toutes ces affaires et l’on aimerait bien que la Cocotte enchantée nous aide à décrypter ces Écritures pour savoir si, véritablement, boulotter un escargot praliné noir (miam !) aurait véritablement des incidences sur notre vie spirituelle. Le problème, c’est que la Cocotte est très loin de tout cela. Forcément, elle cuisine à tout va pour lutter contre le dérèglement climatique que l’on retrouve à la fois dans la Gamelle, dans le Wok et dans la Marmite. C’est dire si cela pèse lourd, aussi lourd que ce qui se cache sous le Couvercle et aussi pesant que ce qui se cuit au Four.
Faute de Cocotte disponible, qui reste-t-il ?
— Moi !
Oui Caddie !
— EEEt moooiiiii !
Petit Mouton !
Vous en pensez quoi, alors, de cette histoire de chocolat ?
— On n’achète pas ; plus jamais on ne cède aux sirènes de la société de consommation !
— Cooopaiiiin eeescaaargoooot !
C’est plié. Restent les chrysanthèmes.
Ça se mange en beignet ?
À plus !