Anaïs Paquin : Piste rose, c’est le nom du bar homosexuel de la station balnéaire. Pourquoi avoir décidé que cela serait également le titre de votre roman ?
Cy Jung : En 2003, j’ai rejoint les éditions Gaies et lesbiennes qui venaient d’inaugurer une collection Le Bonheur est à tout le monde pour éditer des romans sentimentaux LGBT. J’ai trouvé l’exercice amusant ; j’ai lu quelques romans de la fameuse collection sentimentale Harlequin, ai décodé leurs règles d’écriture, noté le vocabulaire et me suis lancée dans l’aventure du « roman rose lesbien » avec l’idée d’y glisser une critique sociale lesbienne sous couvert d’une intrigue sentimentale non dénuée d’un fort contenu érotique. C’est ainsi que j’ai inauguré ma série des « roses », avec Carton rose, mon cinquième ouvrage, puis Bulletin rose, Diadème rose, Camélia rose et aujourd’hui, publié chez Homoromance éditions, Piste rose.
C’est donc le bar qui a pris le titre du roman et non l’inverse ; je trouve que cela lui va bien.
Anaïs Paquin : Une station de ski, ce n’est pas un lieu où l’on voit couramment situer l’intrigue d’un roman. Qu’est-ce qui vous en a donné l’idée ? Le ski est-il une activité que vous appréciez ?
Cy Jung : J’ai skié petite avec mes parents. Je connais donc un peu l’ambiance d’une station de ski. Je trouvais intéressant de déplacer mon action dans un lieu qui, s’il n’est pas clos, est suffisamment réduit pour que les personnages puissent s’y croiser, ou non. L’idée aussi était d’avoir des personnages en vacances, toutes dévouées à leur bon plaisir, dans un contexte où elles pouvaient passer outre leur ordinaire et révéler leurs désirs. Une station de ski est également un endroit où l’on a froid, où le son est étouffé par la neige et le brouillard, où les journées sont courtes en hiver, autant de bonnes raisons de se réfugier dans des endroits chaleureux ou dans des bras audacieux.
Anaïs Paquin : Votre roman présente différents personnages et différents couples, qui ont chacun leur propre dynamique. Il y a Dene et Élisabeth, qui espèrent que ces vacances ranimeront leur désir, Agnès et Béatrice, couple homoparental un peu trouble, et Bobie, qui se remet à peine d’une rupture douloureuse. Décrire les interactions d’êtres si différents a-t-il été complexe par moment ? Y’a-t-il une des situations que vivent vos personnages, ou un de vos personnages eux-mêmes, auquel vous vous êtes davantage identifiée ?
Cy Jung : Je m’identifie rarement à mes personnages, au contraire même au sens où écrire introduit justement une distance entre soi et l’intrigue. Ce n’est donc pas moi que je mets en scène mais bien des « autres » dont je construis la vie et la personnalité de manière très précise. Si tous mes personnages se ressemblent, ils auront du mal à s’affronter et à s’aimer. Il est important de créer de l’altérité pour que le désir naisse, comme dans la vie, en somme.
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